En juin dernier, la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, déposait le projet de loi 31 avec l’ambition, a-t-elle dit, de rétablir l’équilibre entre les propriétaires et les locataires. Quelques jours plus tard, elle a ajouté que ce n’est pas aux locataires de déterminer le prix des loyers, et que s’ils veulent faire ça, « ils n’ont qu’à investir dans l’immobilier! »

En réalité, si ce projet de loi est adopté, les propriétaires auront tout le loisir de refuser une cession de bail sans motif sérieux. La cession de bail est l’un des seuls recours qui permet aux locataires de freiner les hausses abusives de loyer, de limiter la discrimination et même de contribuer à freiner la spéculation immobilière.

Qu’est-ce que c’est, la cession de bail, au juste? C’est un droit qui permet à un locataire de transférer son bail à une autre personne, au même prix et avec les mêmes conditions. Ça permet à un locataire de transférer ses responsabilités face à son bail lorsqu’il doit quitter son logement avant la fin du bail. Ça permet d’empêcher le propriétaire d’augmenter abusivement le prix du loyer au changement de locataires, ce qui est très fréquent, même si ce n’est pas légal. La cession de bail permet aussi à des locataires qui sont souvent discriminés par les propriétaires parce qu’ils sont racisés, ont des enfants ou sont marginaux, par exemple. de se trouver un logement. La discrimination est très fréquente, même si elle n’est pas légale. Finalement, ça permet à un locataire qui vit dans un logement avec d’autres occupants de leur laisser le bail s’il désire quitter le logement.

La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) réclame depuis de nombreuses années que le droit de céder son bail soit retiré aux locataires. L’année dernière, Benoit Sainte-Marie, le directeur général de la CORPIQ, se lamentait que le nombre de cessions de bail avait augmenté, que ça donnait « froid dans le dos » et qu’il était « tout à fait essentiel que le propriétaire soit en mesure de remettre ses logements au prix du marché pour leur permettre de garder une rentabilité ». Sauf que ce n’est pas légal.

La ministre de l’Habitation a justifié sa décision d’enlever le droit de céder son bail aux locataires en disant que ce n’est pas aux locataires de contrôler le prix des loyers… mais depuis 45 ans, le Regroupement des comités logement demande que ce soit le gouvernement qui instaure des mesures de contrôle, comme un registre des loyers et un taux maximum, et rien ne change. Si les locataires n’ont aucun pouvoir et si le gouvernement n’agit pas, tout le pouvoir est donné aux propriétaires d’augmenter le prix des loyers comme bon leur semble!

En juin, nous apprenions par La Presse que la ministre a transformé un duplex de la Petite-Patrie, qu’elle a payé 500 000 $ et où vivaient très certainement des locataires, en 5 condos qu’elle a revendus à plus de 3 millions de dollars. Même si cette pratique du « flip » immobilier est légale, elle encourage néanmoins la flambée des prix de l’immobilier, la disparition des logements locatifs au profit des condos et la montée en flèche du prix des loyers.

Comment peut-on croire qu’une telle ministre, qui était courtière immobilière, qui faisait des flips et qui accepte de rencontrer les groupes de propriétaires, mais pas les groupes de locataires, puisse concocter un projet de loi juste,  visant à équilibrer le rapport de pouvoir entre les propriétaires et les locataires?

Nous vous attendons dans la rue, le samedi 16 septembre à 13h au métro Préfontaine, pour faire entendre au gouvernement Legault que les locataires ne se laisseront pas faire!

Pour lire les autres articles publié dans la Grogne, le journal de la Coalition contre la Pauvreté de la Petite Patrie La Grogne_2023