Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), les comités logement des quartiers centraux de Montréal, Maître Suzanne Guévremont et les députées Françoise David (QS) et Carole Poirier (PQ) demandent aux élus provinciaux et municipaux de corriger une anomalie dans les lois provinciales et les règlements municipaux qui fragilise les droits des locataires et réduit l’offre de logements locatifs.

(lisez la couverture médiatique de cette conférence de presse au Comité logement de la Petite Patrie ici, communiqué du RCLALQ ici)

En effet, une disposition du Code Civil autorise un propriétaire à évincer son locataire au motif qu’il souhaiterait agrandir, subdiviser ou changer l’affectation d’un logement. Or, la Régie du logement autorise l’éviction sans jamais vérifier si le projet sera réalisé ou non.

Selon Maude Bégin-Gaudette, porte-parole du RCLALQ, ce stratagème est devenu prisé car il permet aux propriétaires de vider les logements sans dévoiler leurs intentions réelles. « Ce qu’on constate dans nos compilations d’évictions à travers le Québec, c’est que les locataires visés par ces procédures habitent leur logement depuis de nombreuses années et payent un loyer peu cher. Souvent, ils font face à de nouveaux proprios. Le but visé est clairement de faire beaucoup d’argent, soit en haussant fortement les loyers, soit en transformant un immeuble locatif en copropriétés divise ou indivise et ensuite vendre les logements en condos. »

« La facilité de cette manœuvre d’expulsion est une aberration », nous dit Martin Blanchard, du Comité logement de la Petite Patrie. « Le propriétaire présente des plans à son arrondissement et il obtiendra pour trois fois rien un permis autorisant ses travaux. C’est tout ce que la Régie du logement exige pour autoriser l’éviction ». Aucune autorité, municipale ou provinciale, ne vérifie par la suite si les travaux sont réalisés ou non. « Il existe une mince possibilité de poursuivre un propriétaire frauduleux, mais le fardeau de preuve est du côté des locataires et la mauvaise foi est notoirement difficile à démontrer. Aussi, quand on perd son logement, on veut souvent passer à autre chose » ajoute Paule Lespérance, du Comité logement Plateau Mont-Royal. Suzanne Guévremont, une avocate qui se dédie à défendre les locataires, déplore que ce recours soit devenu populaire et craint qu’il le demeure longtemps, d’autant plus que les évictions obtenues de mauvaise foi ne sont pas suffisamment sanctionnées par la Régie du logement.

Françoise David, députée de Gouin à l’Assemblée Nationale et porte-parole de Québec Solidaire, tient à rappeler que les personnes vulnérables étant souvent les personnes visées par les procédures d’éviction, il faut les protéger par des dispositions adaptées à leur besoin : « C’est pour cela que j’ai déposé le projet de loi 190 protégeant les locataires ainés et je suis convaincu qu’il sera adopté sous peu, étant donné l’appui que m’a personnellement donné le premier ministre du Québec, M. Philippe Couillard, lors du débat des chefs au printemps 2014 ».

Carole Poirier, députée d’Hochelaga Maisonneuve à l’Assemblée nationale et porte-parole en habitation pour le Parti Québécois, fait un lien entre cette procédure d’éviction bien commode et la multiplication des transformations de logements locatifs en copropriétés que l’on constate dans les quartiers centraux de Montréal. « J’ai interpellé la ministre de la Justice et le ministre des Affaires municipales pour revoir les règles qui régissent la conversion indivise. Il faut protéger les locataires habitant des logements transformés en copropriétés indivises. Il y a des contournements au moratoire sur la conversion des logements en condos et je travaille à les faire changer», a expliqué Carole Poirier.

Il importe de colmater immédiatement cette brèche qui alimente de nouvelles pratiques de la spéculation immobilière à Montréal. Le RCLALQ revendique l’interdiction de toute éviction pour fins de subdivision, d’agrandissement ou de changement d’affectation. Si le gouvernement persiste à conserver ce recours, il faut revoir les règles et procédures d’éviction à la Régie du logement pour empêcher le contournement des droits des locataires. Gaétan Roberge, du Comité logement Ville-Marie ajoute : « Nous demandons également aux municipalités, et en particulier à la Ville de Montréal, de mettre en place, dans le cas de travaux qui impliquent l’éviction de locataires, un mécanisme d’examen en amont et de suivi rigoureux de la demande de permis afin de s’assurer du sérieux du projet et de tenir compte de ses conséquences sur les locataires.