Téléchargez notre rapport sur Rapport d’enquête sur Airbnb

Les comités logement de la Petite Patrie et du Plateau Mont-Royal rendent publics leurs rapports sur l’impact de Airbnb dans ces quartiers centraux de Montréal. Leur conclusion est unanime et alarmante : si rien n’est fait pour contrer Airbnb, la perte de logements locatifs et les hausses de loyer seront dramatiques pour les locataires montréalais.

Les impacts se font ressentir à plusieurs niveaux pour les locataires : Airbnb contribue à retirer un nombre inquiétant de logements locatifs du marché montréalais, à rendre les quartiers centraux de Montréal moins sécuritaires et à hausser les loyers, déjà bien trop chers, qui deviennent alors hors de portée pour les locataires qui ne sont pas aussi fortunés que les touristes de passage.

Le rapport du Comité logement du Plateau Mont-Royal, intitulé Le phénomène Airbnb : bienfait ou calamité pour les locataires ? montre que 64,5% des 10 619 offres d’hébergement Airbnb dans Montréal pour juillet 2016 s’étalaient sur une durée de plus de 90 jours, ce qui retire effectivement ces logements du marché locatif montréalais. Sur ces 10 619 offres, un nombre d’environ 3 000 étaient situées dans le Plateau Mont-Royal.

Dans son rapport intitulé Airbnb : l’économie sans partage, le Comité logement de la Petite Patrie démontre pour sa part que 554 logements situés dans l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie et offerts sur la plateforme Airbnb en mai 2016 ont fort probablement été retirés du marché locatif. « La Petite Patrie a déjà perdu pas moins de 3 300 logements locatifs à cause de la copropriété et Airbnb prolonge l’agonie avec son travail de pillage », selon Martin Blanchard du Comité logement de la Petite Patrie.

Que ce soient des propriétaires d’immeubles louant leur logement sur Airbnb ou des locataires qui signent plusieurs baux dans le but de sous-louer sur Airbnb, une nouvelle classe d’entrepreneurs est née qui, pour la plupart, contournent la loi pour se faire de gros profits. Le prix moyen par nuitée dépasse 90$ et permet de percevoir des revenus variant entre 1125$ et 2520$ par mois et par logement. Ce gain très élevé dépasse forcément la capacité de payer des résidents du quartier. Il devient alors tentant de retirer des logements du marché locatif.

L’impact se fait sentir aussi sur le milieu de vie des résident-e-s du quartier. Le va-et-vient incessant et le bruit deviennent intolérables. La perte d’un réseau de solidarité, d’entraide et de sécurité entre voisin-e-s est fréquemment dénoncée par les résident-e-s. Philippe T. Desmarais du Comité logement du Plateau Mont-Royal résume ces entrevues en rappelant que les résident-e-s du quartier sont inquièt-e-s de la perte de logements locatifs, et que tous et toutes s’entendent pour dire que « le locatif appartient aux locataires, pas aux touristes! ».

Les locataires subissent du harcèlement de propriétaires qui tentent par tous les moyens possibles de se réapproprier leur logement afin de le relouer sur Airbnb. Alisa, une locataire avec qui nous nous sommes entretenus, nous explique bien cette situation : après avoir refusé l’ensemble des propositions faites par le propriétaire, elle finit par recevoir un avis d’éviction formel, et il lui revient donc de prouver la mauvaise foi du propriétaire auprès de la Régie du logement afin de conserver son logement. Elle vit ainsi dans l’incertitude pendant plusieurs mois, et subit des pressions psychologiques constantes qui la ralentissent dans l’ensemble de ses projets.

Que font nos institutions et nos élu-e-s face à un tel fléau? Il est vrai qu’une loi a été adoptée cette année par l’Assemblée nationale pour baliser le phénomène (loi 67), mais comme le montre les deux rapports, il est tout simplement impossible d’appliquer cette loi qui limite et autorise en même temps les hébergements touristiques dans les logements résidentiels.

Les deux rapports explorent d’autres tentatives de régulation dans le monde qui échouent. La solution ne peut venir que d’une volonté ferme. La fermeté passe par l’interdiction de transformer les logements en gîte touristique, comme à New York où louer un logement sans la présence de l’occupant est interdit. Comme aussi à Berlin, où il est maintenant interdit de louer un logement à un touriste, sous peine d’une amende de 100 000 euros. À Berlin, l’effet immédiat a été une baisse importante des offres Airbnb, en particulier pour ce qui concerne les locateurs proposant de multiples logements.

La seule voie pour protéger la vocation locative des logements occupés par les locataires est donc celle d’une législation claire et sans équivoque. C’est pourquoi les comités logement de Petite Patrie et du Plateau Mont-Royal unissent leur voix pour demander une interdiction immédiate de louer son logement à travers la plateforme Airbnb ou d’autres plateformes touristiques similaires, sous peine d’une amende qui dissuaderait réellement les tentatives de contournement.

À lire – Airbnb: l’économie sans partage